Rantepao, là où la vie tourne autour de la mort!

Rantepao, le pays des Torajas, du 29 octobre au 3 novembre 2017

Parlons d’abord des îles de Sulawesi, anciennement les Célèbes. Nous avions principalement trois choses à voir dans cette région de l’Indonésie située à environ 1 h 30 d’avion de Bali, soit Rantepao, les îles Togian et la Réserve naturelle de Tangkoko. Mais, la problématique majeure dans tout ça, c’est qu’entre chacun de ces endroits, il y a des centaines de kilomètres et beaucoup beaucoup d’heures de route et de bateau. Nous avons pris notre courage et notre volonté à deux mains et avons foncé.

Première destination, à partir d’Ubud, on fait une heure et demie de route et ensuite une heure et demie d’avion pour arriver en début d’après-midi à Makassar la capitale. Rien de bien compliqué jusqu’à présent. Mais, de là, nous devons nous rendre à Rantepao et pour cela, il y a deux moyens : l’autobus de nuit avec un départ à 21 h 30 et qui prend environ dix heures ou une voiture louée avec chauffeur avec un départ immédiat. Nous avions la très bonne intention de prendre le bus pour économiser, mais en arrivant à l’aéroport, comme nous avions sept-huit heures d’attente en plus du dix heures de trajet de bus, sans même savoir quel genre de bus nous aurions, nous nous sommes laissés tenter par la voiture. Plus cher bien sûr, mais, vous savez, avec l’âge… (c’est JP qui parle) hahaha! Nous avons su par la suite que « certains » autobus sont très confortables et que le trajet se fait en moins de neuf heures, mais il faut bien choisir sa compagnie ce qui n’est pas une mince tâche.

Nous sommes partis vers 14 h pour arriver à l’hôtel vers 21 h 45. Presque huit heures pour faire 300 km avec un seul arrêt pour prendre de l’essence et acheter des chips et des biscuits pour le souper… Une moyenne de 40 km / h en raison des routes très sinueuses et défoncées surtout sur les 200 derniers km qui sont dans les montagnes. Après 18 h, il faisait un noir d’encre, il y avait de la brume et il a plu. C’était 30 km / h au gros max et nous avons été contents d’arriver à destination.

Nous avions aussi réservé avec notre locateur de l’aéroport une voiture avec un guide-chauffeur pour assister à une cérémonie funéraire le lendemain, la raison même de notre séjour à Rantepao. Nous sommes très chanceux, car bien que ce ne soit pas la meilleure période pour les cérémonies, il y en a une très importante d’une riche famille qui se déroule pendant notre séjour. Normalement, les plus fastueuses ont lieu en juillet et en août et durant cette période, il y a des funérailles à peu près tous les jours.

Il est très recommandé de prendre un guide pour assister à ces cérémonies, autrement il est difficile de comprendre tout ce qu’il s’y passe… Et croyez-nous, il s’y passe bien des choses.

Le lendemain matin, avant de nous rendre à la cérémonie, nous partons avec notre chauffeur-guide vers Ke’ Te Kesu, un petit village traditionnel situé à quelques kilomètres.

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Les maisons traditionnelles sont composées de trois pièces, la cuisine au centre et une chambre de chaque côté. Les Torajas sont réputés pour avoir de nombreux enfants, ce qui explique qu’ils se construisent de plus en plus des maisons « normales » plus grandes juste à côté des traditionnelles. Les maisons sont toujours construites en direction est-ouest pour séparer la vie et la mort et les toits, entièrement faits de bambous, évoquent, selon les légendes, soit les bateaux sur lesquels leurs ancêtres seraient arrivés aux Célèbes en provenance du sud de la Chine, soit des cornes de buffles auxquels les Torojas vouent énormément de prestige.

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Intérieur d’une maison traditionnelle

En face des maisons, du même style, mais plus petits, se trouvent des greniers à riz.

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Nouvelle maison construite juste à côté de la traditionnelle

Après cette visite, nous nous dirigeons vers un village un peu reculé pour la cérémonie funéraire d’un leader de la communauté âgé de 82 ans, décédé il y plus d’un an. La famille a décidé de profiter du moment pour enterrer aussi la belle-soeur du monsieur, morte il y a à peine deux mois…

Au moment de notre arrivée, deux chaînes d’hommes s’étaient formées autour du cercueil du défunt et tous ensemble ils chantaient. C’était très beau. Extrait vidéo

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C’est le tau tau du défunt.

Les Torojas, originalement animistes, sont aujourd’hui principalement de religion catholique. Ils ont cependant conservé certains rites ancestraux tels que celui d’embaumer les défunts et de les garder dans leur lit jusqu’à ce que la famille ait ramassé suffisamment d’argent pour organiser la cérémonie funéraire. Le temps que ça prend n’est pas important puisque, pendant cette période, le défunt n’est considéré que malade. On lui parle, on lui garde sa place pour les repas, etc. La relation des Torajas avec la mort est à mille lieues de notre réalité. On ne porte pas de jugement, mais c’est un peu glauque, non?

Les cérémonies funéraires peuvent durer de trois à cinq jours et accueillir des centaines voire des milliers de personnes, selon la richesse de la famille. Mais peu importe la grandeur de la cérémonie, cela coûte une fortune!

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Les petites filles du défunts portent le costume traditionnel pendant toute la durée de la cérémonie.

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Les célébrations sont heureuses et joyeuses afin d’accompagner le défunt dans l’autre vie. Voyez la vidéo où ils promènent les cercueils autour du village. C’est effectivement très festif. Les jeunes hommes qui transportent les cercueils s’en donnent à coeur joie, arak et bière aidant certainement! Probable qu’il vaut mieux ne pas voir l’état du corps après cette houleuse balade…

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Il se passe toujours quelque chose durant la cérémonie. Ces femmes par exemple se sont mis à exécuter une espèce de « chorégraphie-danse du riz » assez intéressante (vidéo).

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Les familles qui habitent maintenant à l’extérieur du village sont logées sur place. Des abris éphémères imitant les maisons traditionnelles sont construits à cet effet et tous les invités, incluant les touristes comme nous, sont nourris gratuitement (évidemment, un cadeau à l’hôte, comme une cartouche de cigarettes et du sucre, est attendu).

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Il y a deux choses qui démontrent la richesse et l’importance des défunts. D’abord, le nombre de buffles donnés par les parents et amis et qui sont sacrifiés pendant le rite funéraire (les cornes sont ensuite accrochées sur le devant de la maison dans le but d’exposer la richesse de la famille) Lors de notre passage, deux buffles ont été sacrifiés devant nous, chose pas très rigolote, et plus de 40 le lendemain sans compter les dizaines de cochons. Toute cette viande est distribuée aux visiteurs qui repartent avec leur part.

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La seconde est l’endroit où est placé le cercueil. En effet, les cercueils sont placés dans des grottes creusées dans le flanc rocheux d’une falaise et plus la personne est riche et importante, plus il est haut dans la montagne. Certains cercueils sont même installés sur des « tablettes ».

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Les grottes peuvent contenir plusieurs cercueils de la même famille ainsi que de nombreux objets chers aux défunts. Afin de protéger leurs biens, les plus riches construisent des balcons devant les grottes et y placent des tau tau (des statues en bois) à l’image des défunts.

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Nous sommes restés au moins cinq heures aux funérailles et avons partagé le repas avec quelques membres de la famille du défunt. Pour une fois, le guide nous a vraiment été utile. Sans lui, il aurait été difficile de comprendre les us des Torojas vis-à-vis de la mort et de savoir quel comportement adopter.

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Pendant au moins une bonne grosse heure, des discours sont prononcés par quelques hommes, mais ce qu’il y a de particulier c’est les cris qu’ils font presque à chacune des phrases. Voici un exemple.

Et si vous pensez que c’est du folklore organisé pour les touristes, détrompez-vous! Nous n’étions qu’une vingtaine d’étrangers sur les centaines de personnes présentes. C’est assez, voire très particulier et impressionnant…

À voir absolument!

Plus de photos par ici.

2 commentaires sur “Rantepao, là où la vie tourne autour de la mort!

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